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Togo : «Togo propre» : opération boudée par les populations

 

«Togo propre» est une opération qui se veut citoyenne et civique dédiée à l’amélioration du cadre de vie et de l’environnement par des activités collectives à travers lesquelles chaque togolais est censé mettre au propre les alentours de son habitation ou de son lieu de travail. Hélas, depuis quelques années, cette opération faiblit : de moins en moins de togolais s’y intéressent. Aujourd’hui, on assiste carrément à un fiasco de l’opération «Togo propre».
«Suisse d’Afrique» est le surnom chèrement acquis en 1986 par Lomé, la capitale Togolaise du fait de sa propreté légendaire en comparaison aux autres capitales africaines. Les gouvernements togolais d’antan se sont évertués à conserver cette distinction, en exhortant les populations togolaises à nettoyer chaque samedi matin, balayer ou sarcler les devantures et alentours de leurs maisons, services publics comme privés, églises, mosquées, marchés et autres espaces publics.
Au fil des années, de nombreuses personnes se sont désintéressées de ces travaux et des actes inciviques ont pris le dessus. Des dépotoirs publics se sont multipliés et certains esprits beaucoup trop libres trouvent normal de faire des besoins un peu partout dans les rues.
Dans le but d’inciter les togolais à rompre avec ces actes inciviques qui ont fait perdre à Lomé son honorable qualificatif de «Suisse d’Afrique», le gouvernement togolais a décrété en 2014 tout le mois d’octobre «Mois du civisme» axé sur le thème «Citoyen actif et responsable pour un Togo prospère». Le gouvernement avait donc mis à profit ces quatre semaines marquées essentiellement par plusieurs activités visant à sensibiliser les populations togolaises sur les valeurs citoyennes. Ainsi depuis Novembre 2014, dans le prolongement du mois du civisme, le gouvernement a institué l’opération «Togo propre».
« Je vous annonce qu’à partir du 1er Novembre 2014, il sera institué sur toute l’étendue du territoire, une journée Togo propre qui aura lieu chaque premier Samedi du mois. Le combat pour la salubrité est une priorité, car nous avons besoin d’un environnement sain pour mieux vivre. », avait annoncé, le 4 Octobre 2014 le premier ministre Arthème Séléagodji Ahoomey-Zunu.
Démarrée alors dans le feu de l’engouement suscité le 08 Novembre 2014, cette opération de salubrité a connu une première édition emballée au niveau de l’exécutif national. On a vu plusieurs membres du gouvernement prendre d’assaut le CHU Sylvanus Olympio de Lomé dont l’enceinte a reçu des coups de balais, de râteaux et de coupe-coupes. A suivi l’administration publique dont les agents étaient fortement mis à contribution.
Mais, le constat était déjà patent, l’engouement n’était ressenti qu’au niveau des membres du gouvernement, des forces armées togolaises, des fonctionnaires et quelques associations. La population à la base était réticente à répondre à l’appel.
Le gouvernement avait lui-même reconnu la faible participation des togolais, tout en espérant une participation plus massive pour les prochaines séances.
Malheureusement, force est de constater cinq bonnes années après que ce projet de si grande portée est resté à l’étape de son lancement. Il a carrément échoué.
L’échec de ce projet repose sur des causes profondes. En effet, outre les populations toujours abonnées aux absents, aussi bien les membres du gouvernement, les fonctionnaires et les associations se sentent de moins en moins concernés par l’opération. Il n’y a plus que les forces de l’ordre et de défense qui se prêtent à cet exercice bien malgré elles.

« Aux institutions propres, des cités propres. »

Un sérieux diagnostic de la situation assigne l’échec du projet à un déficit de leadership du gouvernement qui était tenu de donner le bon exemple en déversant, à chaque occasion, ses membres dans les rues, coins et recoins des administrations publiques et autres espaces publics. Cela donnerait une autre allure à la chose et inciterait beaucoup les Togolais à se l’approprier. Cela n’a jamais été le cas. Le projet n’a pas bénéficié de suivi. Aussi bien le gouvernement que la chaîne d’autorités locales composée des chefs de quartier et comités de développement de quartier, tous sont démissionnaires.
Une défaillance grandeur nature laissant le soin aux seuls agents de l’Agence Nationale de Salubrité Publique (ANASAP) et aux forces de l’ordre et de défense. Mais leur bravoure ne laisse pas de trace vu l’étendue du chantier.
Entre autres causes du fiasco que connait cette opération, on se rappelle aussi que la succession de quelques événements politiques dans l’histoire du Togo a occasionné des protestations traduites par des appels à la désobéissance civile lancés par des partis politiques de l’opposition et aussi par quelques organisations de la société civile. Cette désobéissance civile consistait à défier l’autorité gouvernementale à travers des actes d’insalubrité à l’exemple de répandre des ordures un peu partout, refuser de mettre au propres les alentours de sa maison et autres, dans l’intention de nuire au gouvernement et se faire entendre par ce dernier. Cette méthode de protestation est ancrée dans l’inconscient d’un bon nombre de Togolais qui continuent, par cette façon, de manifester leur mécontentement face à la gouvernance actuelle.
Ils expriment leur désarroi et leurs frustrations face à la précarité qu’ils côtoient au quotidien. Considérant cette opération comme n’incombant qu’à ceux qui jouissent des richesses du pays. « Ceux qui mangent depuis des années sans jamais se rassasier, pendant que nos enfants, bien que diplômés, ne trouvent pas du travail et toujours à notre charge, se mobilisent avec leur famille pour rendre la ville propre. Nous autres allons chercher notre pain quotidien », a confié Mr Jean, un ferrailleur de 62 ans et père de quatre enfants.
Au regard du constat alarmant, il faut que le gouvernement se remette sérieusement en cause. La réussite d’une telle opération dépendra avant tout d’une volonté politique, celle de s’engager à partager équitablement les richesses du pays en vue de permettre à chaque citoyen de se sentir fier d’appartenir à une nation. C’est à ce prix qu’une solution favorable sera trouvée au fiasco que connait actuellement « l’opération Togo propre ».
Le gouvernement peut encore se reprendre en accentuant sa politique sociale, notamment par la réduction des prix des produits de première nécessité, et l’augmentation des salaires dont le Smig est à 35.000 FCFA.
Cela donnera à coup sûr le goût du civisme aux Togolais qui pourront alors répondre massivement à ces genres d’appel à l’avenir. Un philosophe de la Grèce antique disait : « Aux institutions propres, des cités propres. »

Xavier TETE.

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